Retiré, neet… et hikikomori ?

Partisan du retrait, fais-je l’apologie du hikikomori ?

Même si le modèle du hikikomori n’est à l’évidence pas ce que vise ce blog soucieux d’autarcie ; et bien que l’anarque semble suffisamment éloigné du hikikomori pour que le rapprochement des deux idées tienne de la douleur intellectuelle, s’il n’y a d’autre choix que de condamner ou de soutenir – une alternative idiote comme les idiots les aiment – le hikikomori est à soutenir.

Il est très révélateur que le hikikomori soit décrit et perçu comme malade – et que la totalité de son choix soit analysé sous l’angle de la pathologie.

Il n’est pourtant pas sûr que la réclusion soit toujours et partout le fait d’une pathologie.

Chaque époque a eu ses retirés ; le sage taoïste, le stylite grec, les reclus et ermites du christianisme, les moines tibétains enfermés des années durant sans communication avec le village proche qui les nourrissait – lire sur ce point l’excellent ouvrage d’Alexandra David-Neel.

Ces retirés « historiques », eux, n’étaient pas considérés comme des malades mais bénéficiaient plutôt d’une certaine reconnaissance et d’une certaine valorisation – ce qui était une forme d’ouverture des sociétés traditionnelle sur l’extra- ou l’infra-social (ouverture dont la fermeture régulière a, n’idéalisons pas, alimenté les bûchers des sorcières).

Chaque époque  donc ; mais aussi chaque culture*. Il y a des retirés bouddhistes, des retirés chrétiens, des retirés grecs ; pourquoi n’y aurait-il pas des retirés consuméristes ? Ce que sont certains hikikomori.

Très curieusement, ce n’est pas, en tant que tel, son consumérisme – d’ailleurs plus ou moins prononcé – que l’on reproche au hikikomori. Ce qu’on lui reproche est un consumérisme parasitaire puisqu’il ne s’intègre pas dans l’activité productive et rémunératrice qui, dans la représentations dominante, doit nécessairement justifier et proportionner l’accès à la consommation.

Bref, l’idée sous-jacente est que ce que consomme le hikikomori, il l’emprunte, le chaparde et le vole à son voisin.

Deux observations à ce stade.

Premièrement, tous les retirés historiques mentionnés ci-dessus ont vécu de la sorte ; toujours assez chichement. Le hikikomori ne fait exception ni à cette vie aux crochets de la charité sociale ou de la générosité familiale ; ni à ces moyens et ces besoins forcément réduits.

Deuxièmement si je puis me permettre, le parasitisme étant, avec le consumérisme, au fondement de l’économie telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, le hikikomori est, sur ce point du moins, plutôt remarquablement adapté au système.

Comique, quand justement son inadaptation au système serait pour un peu le point central de la définition du hikikomori. Alors que lui reproche-t-on ? Où est sa prétendue pathologie ? Où est son inadaptation ? Peut-être, plus profondément enfouie.

Dans une conscience du vide et de l’insensé ; de la fausseté des échanges dans un monde qui a substitué la communication à toute sincérité.

Dans une critique, impitoyable parce que muette (et pour cela intolérable : mieux vaut fuir ce regard apathique et trouver miroir plus gratifiant).

Dans un refus – parfois**, sans doute, dans une fuite mais alors assumée quotidiennement avec toute la souffrance d’une assomption, de participer à la compétition de la déviance narcissique généralisée.

Et voyez-vous, cela se respecte.


*A cet égard, si je veux bien entendre que la société japonaise présente des éléments qui peuvent encourager le hikikomorisme, je reste dubitatif sur cette tendance culturaliste qui veut tout attribuer à la pression sociale et scolaire  propre à la société japonaise contemporaine.

** je suis convaincu, ou je veux croire, que tous ne fuient pas.

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Une réponse à “Retiré, neet… et hikikomori ?

  1. Pingback: The Ecology of Withdrawal (Frontiers in Psychology) – anarquie en autarcie, hérésies archaïstes

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