11.11 – mort pour la France

un 11 novembre encore
marche derrière le porte-drapeau, qui n’a pas fait 14 mais l’Atlas,  et selon l’expression malheureusement consacrée, dépôt de gerbe au monument aux morts, lecture par les officiels de la litanie des morts pour la France.

Un des membre du conseil municipal lit la liste sur la face nord du monolithe ; pour chaque nom, l’autre, qui regarde la face sud, ajoute : mort pour la France.

Puis ils inversent. Bizarrement, ils n’ont pas la même la façon de le prononcer. Chez le premier, on comprend : tombé pour la France. Chez le second, cela sonne comme chez les jeunes – c’est mort, laisse tomber ;  comme si la France avait raté un train, une occasion.

Voilà. Une gamine haute comme trois pommes pose les fleurs. Une minute de silence de vingt Mississippis – un siècle d’inflation a dévalué la seconde d’hommage – et puis on va boire un verre au seul bistrot qui reste dans la commune.

Et comme chaque année, défile devant mes yeux le plus froid d’un clip de coldwave – comme chaque année, je pense à Camus – qui nous entendait « d’ici » : « Nos morts ! … et ils iront casser la croûte » ; et touchait si juste qu’on en pleurerait le fait plus que les morts.  A Camus et à Genevoix, au côté de mon arrière grand-père, revenu gazé ; ayant juste eu le temps de concevoir son fils avant de rejoindre ses aïeux qui sont aussi les miens.

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Morts pour la France, tu parles. Foutaise républicaine mais mensongère. Pendant la campagne d’Italie, à Dien Bien Phû, dans le Djebel, morts pour la France, peut-être. En 14  ? Morts pour on ne sait quoi.

Allez, mon hommage à moi, rouvrir Ceux de 14.  « Les Eparges ».
« C’est alors que ce 210 est tombé. Je l’ai senti à la fois sur ma nuque, assené en massue formidable, et devant moi, fournaise rouge et grondante. Voilà comment un obus vous tue. (…)
Je vis, absurdement. Cela ne m’étonne plus : tout est absurde. »

Plus loin.

« J’ai vu trop de choses dégoûtantes pour être dupe encore des mots. Pourquoi nous battons-nous, maintenant et de cette façon ? Pour défendre quoi ? Gagner quoi ? Ces ‘gens-là’ se leurrent volontairement , j’en suis sûr, il ne peut en être autrement… Des milliers de morts déjà, pour ce lambeau d’une colline dont le sommet nous échappe toujours ».

 

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Mon ami M4-T0 voit dans la guerre l’occasion d’une belle aventure.

 » Quelque chose de lourd a cogné mes jambes, et j’ai fléchi, les jarrets coupés net. (…) C’est la tête de Grondin qui a cogné dans mes jambes. Je me suis retourné sans horreur ; et j’ai vu le corps écrasé, enseveli déjà sous l’immense piétinement, avec encore, à ras de terre, la plaie glougloutante du cou. »

« Et là-bas… Mémasse, décapité, Libron, décapité, Raynaud tombé à plat ventre, la tête en bas, un éclat fiché dans le crâne, luisant et net comme un coin de bûcheron. Et toujours les mêmes flaques jaunes, les mêmes épaves innommables, les mêmes souillures, la même misère poisseuse tâchée de boue, rongée de boue. (…) C’est beau tout ça ! Oh  ! c’est du propre… »

 » Ces journées dépassent en horreur celles de février. En février, peu de boue ; ces jours-ci, une mer de boue. Des blessés légèrement atteints se sont noyés en essayant de se traîner jusqu’au poste de secours ».

« Les porteurs m’ont dit : « c’est le capitaine Rochas ». je ne le connaissais pas. Il m’a semblé qu’illa allait mourir, que toute sa vie s’en allait par une blessure sous le tas boueux de ses vêtements. J’ai demandé aux brancradiers : ‘quelle blessure ? – Pas de blessure.. gelé, seulement. »

 

Une belle aventure, quelle connerie.

 

 

 

 

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