Musubi

« Musubi, ce mot a une signification profonde. Les cordes tissées sont musubi, les personnes connectées sont musubi ; le temps qui passe est aussi musubi. Tout cela est la puissance du dieu. Donc, les cordes tressées que nous fabriquons, sont l’art du dieu et représentent l’écoulement du temps, la façon dont elles convergent et prennent forme ; leur torsion, leur entrelacs. Parfois, elles s’effilochent puis se nouent de nouveau. C’est le nœud musubi. C’est le temps. (…) qu’il s’agisse de l’eau, du riz ou du saké, quand quelqu’un consomme une fois une chose et quand cette chose rejoint son âme, c’est encore musubi ; la présente offrande s’inscrit donc dans une coutume qui relie les gens. »*

Tout est dit.
Mais je me demande si l’on ne pourrait pas attaquer ainsi (peut-être traduire, mais mon niveau d’à peine débutant en japonais ne me permet en aucun cas de croire ou de ne pas croire que c’est ce que Makoto Shinkai avait en tête) : « ce mot désigne la signification profonde des choses ». Ce qui n’empêcherait en rien que cette signification prenne, pour nous, la forme de l’absurde.

La magie du shimenawa.

=======
*Makoto Shinkai, Your name, CoMix Wave Films 2016

Publicité

« C’est là qu’on se dit… »

L’histoire qui suit est entièrement véridique.
C’était une ville de province – peu importe laquelle. Une ville qui se voudrait et pourrait touristique et a pour cela de beaux appâts ; mais on y croise un nombre terrible d’hommes ravagés par l’alcool, et pour qui commet l’erreur de renoncer au buffet de son hôtel, il est le dimanche matin impossible d’y trouver un café où petit-déjeuner.

Seule exception : la terrasse d’un de ces fast-foods dont l’enseigne ressemble tant à ce clown psychopathe d’un roman de gare. Et ce dimanche-là, les clowns et les psychopathes y abondaient : un des poivrots du quartier venait de haranguer puis d’insulter les consommateurs attablés au soleil quand s’installèrent en nombre de bruyantes sportives. Malheureusement pour moi, la ville avait choisi ce jour pour organiser un rallye quelconque, et la rue piétonne était envahie de gens ridiculement attifés.

Je ne sais pourquoi les européens, qui se vêtent d’ordinaire comme des flaques d’eau, éprouvent le besoin de se déguiser en caricatures de perruches dès qu’ils vont se livrer à une activité physique grégaire et imbécile. Or, leurs tenues, en plus d’être hideuses, ne sont pas pratiques. Si bien qu’entre deux des perruches à dossard s’engagea ce  dialogue édifiant :

– Tu sais à quelle heure ça se termine ?
– Non… ah, j’allais regarder sur Internet, mais habillée comme ça, je n’ai pas pris mon portable.
– Moi non plus. Sans, on se sent tous nus…
– Ouais… C’est là qu’on se dit…

Et là : blanc. Lire la suite

Au cœur des ténèbres

Une des mélodies de mon chautauqua. de toutes, la plus pop et kitsch certainement, et pourtant, pas celle qui me touche le moins.

Étrange comme j’avais pu entendre des milliers de fois ce morceau d’une oreille distraite, haussant vaguement les épaules pour ses licences sémiotiques (d’où les ailes du clair de lune reflèteraient-elles les étoiles ?) ou ses aberrations géographiques, avant d’y trouver des pistes dont les perspectives ne me lâchent plus – et des miroirs aussi où me hantent les reflets de Kurz, ceux de mon fantôme.

« I hear the drums echoing tonight
But she hears only whispers of some quiet conversation
She’s coming in, 12:30 flight
The moonlit wings reflect the stars that guide me towards salvation
I stopped an old man along the way
Hoping to find some old forgotten words or ancient melodies
He turned to me as if to say
« Hurry boy, it’s waiting there for you »
Lire la suite