L’heure navajo

J’ai cité ailleurs Tony Hillerman sur la conception navajo de la richesse, à laquelle j’adhère totalement. Cela faisait bien longtemps que je souhaitais le citer sur la conception navajo du temps. Je saisis donc l’occasion d’éclairer une sombre histoire de myrtilles pour le faire.

« (…) ce qui, pour moi, est le plus difficile à comprendre, et c’est également extrêmement difficile à comprendre pour les autres Indiens c’est [la] manière [qu’ont les Navajos] de considérer le temps. Ils ne le voient pas comme nous en tant que concept linéaire, en tant que mouvement constant allant toujours dans le même sens. Pour eux, ce n’est pas un continuum, un mouvement régulier. Ils se le représentent sous la forme de blocs. De rencontres. Et par voie de conséquence, des mots comme « en avance » ou « en retard » n’ont pour eux aucun sens. Car si Joe doit voir Pete, le moment de leur rencontre est celui où ils se rencontrent et personne ne peut être ni en avance ni en retard… Et cela rend fous les indiens qui vivent alentour (…). Les navajos ne sont jamais là où ils sont censés être. Les autres indiens appellent cela ‘l’heure navajo’, ce qui signifie ‘Dieu sait quand’ »(a)

Quelques commentaires, pour moi-même et sans idée de manœuvre.

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Billes d’argile…

Prétendre laisser une trace est à la fois prétentieux, vain et inutile.

Mais cela ne retire rien à la beauté des traces – des traces comme des ornières au fond desquelles flotte un reflet du « ciel antérieur » auquel renaître.

Car (et la mécompréhension de ce fait explique l’horreur que sont certains bars bobos qui ne savent qu’essayer) l’âme des lieux ne se décrète ni ne se convoque ; pas plus que l’aura de choses et des êtres. Il leur faut pour surgir la sédimentation et les heurts d’une histoire.

Bref, je suis du genre qui, contre l’enseignement du zen, s’attache à l’éphémère et croit à la beauté des traces ; à la magie d’un lacrymal, ampoule de verre irisé, ou d’une statuette d’Isis conservés dans la terre ; à préserver des relations fragiles et ténues comme des toiles d’araignées dans la  rosée du matin ; à l’âme de comptoirs qui auraient dû mettre depuis longtemps la clé sous la porte, dans le bois desquels la caresse des habitués a tant fait pénétrer la musique qu’il finit par en transpirer les images ; des boules d’argiles si fragiles et qui demeurent  – ce que je n’ai jamais mieux entendu résumer que dans les mots pourtant malhabiles de Valérie Feruglio à propos de la magie de certaines grottes ornées.
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Images

Les psy-trucs partagent avec les sociologues et les biologistes des siècles passés la passion de la taxonomie. Prenez les phobies : ils ont un nom, plus ou moins joli pour chaque phobie.

Quoique. Ont-ils un nom pour la phobie de quelqu’un qui redouterait les seules épeires mais se moquerait de croiser une tégénaire ou un faucheux des placards ?

De même, ont-ils un nom pour certaines compulsions photographiques ? Celles qui font que je continue, non que je ne peux pas m’empêcher de filmer ou photographier certains sujets, ou de chercher un appareil si, par exception, je n’en ai pas sous la main. Lire la suite

Les pavés de l’enfer

La différence entre anarque et certains anarchistes ?

Je crois qu’elle n’est pas mal esquissée, bien qu’en creux,et d’une façon très casuistique, dans cette bien connue citation d’Orwell…

Qui montre comment, trop souvent, derrière l’anarchisme se cache la plus minable soif de pouvoir.

« Creeds like pacifism and anarchism, which seem on the surface to imply a complete renunciation of power, rather encourage this habit of mind. For if you have embraced a creed which appears to be free from the ordinary dirtiness of politics — a creed from which you yourself cannot expect to draw any material advantage — surely that proves that you are in the right. And the more you are in the right, the more natural that everyone else should be bullied into thinking likewise… »(1)

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