Métabolisation

Bon ap’

La capacité de métabolistion du système de domination actuel, ou, si l’on veut se donner des airs intellectuels, la façon dont il a endogénéisé la dialectique pour, au moins dans une certaine mesure, annuler l’histoire, ou tenter d’annuler l’histoire (y voir clair entre ces hypothèses n’est pas mon objet ici) en est probablement un des aspects les plus sinistres.

J’ai pris la photo qui précède par amusement et intuition, en ne réalisant ce que j’étais en train de faire qu’ensuite. Ici, la critique du produit culturel standardisé, une fois imprimée et reliée par une maison d’édition qui fait ce que font les entreprises (maximiser la sommes des profits futurs actualisée de leurs actionnaires et/ou maximiser l’égo et la rémunération de ses dirigeants…), livrée depuis une plate-forme logistique à un libraire ou pire à la fédération nationale d’achat des cadres (nausée, mais oui, les jeunes, c’est ce que veut dire fnac), et soigneusement rangée à côté de Priestley, Benjamin, Anders, Debord et Baudrillard devient un produit culturel standardisé parmi les autres.

Pour le dire autrement : le capitalisme libéral marchand a parfaitement intégré sa contestation. Il ne la craint pas, ou ne la craint plus et il y a des raisons à cela sur lesquelles il faudra que je revienne. En tous cas, fidèle à sa vision du monde, il s’est posé cette question : pourquoi censurer quand on peut se faire du pognon ? J’adore comme Amazob est prêt à vous vendre pêle-mêle Reclus, Stirner, Kropotkine, Tiqqun, et le comité invisible. Bientôt, ils se doteront même d’une rubrique « décroissance ».
Avec exactement la même logique qui pousse Cultura à vous fourguer à marge d’or de quoi faire vous-mêmes vos décorations de Noël si vous ne voulez pas les acheter à l’hyper du coin, Leroy-quicraint à vous pousser à l’autoconstruction, et même à vous vendre pour un tarif imbattablement haut des toilettes sèches en bois toutes faites. Et même, sans scrupule, le bouquin sur « je fabrique mes toilettes sèches pour les nuls », et les planches, et les vis.

Pas facile d’en sortir. La récup ? Pas de problème. D’ailleurs, Ebay et le Boncoin vont vous y aider. Le vol ? Ah, ça, ça méritera un jour un article à part entière, mais qu’il soit bien clair que le vol (pas plus que la casse lors des manifs) ne met pas le moins du monde à mal le système économique de domination. Je m’explique. C’est très simple : il est inévitable que le système produise son rebut, exactement d’ailleurs comme il produit son élite (rien n’est plus relatif que ces notions vaseuses). Et puisque nous sommes à l’heure de l’économie circulaire, le rebut, cela se gère. Bon, tu es pauvre et tu ne veux pas acheter chez Tati ou profiter de nos formidables offres de crédit à la consommation ? Bref, tu voles ? Tant pis pour toi, nous on s’en moque, c’est très rentable. Le vol, c’est une des raisons d’être des compagnies d’assurances, des sociétés de gardiennage privé, des fabricants de portiques, d’alarmes et d’antivol – quand ce n’est pas plus : on fait déjà des prisons en PPP. Prochaine étape, la prison privée, comme aux USA.

En résumé : vole, pille, casse. Pas de souci, puisqu’in fine, le coût, les primes d’assurances et les dispositifs de sécurité seront répercutés sur les autres cons-sommateurs et cons-tributables, comme quoi si le vol se prétendait révolutionnaire, il n’est rien de plus que bien inséré dans un système dont la biologie structurelle n’est au fond que celle de l’épanouissement individuel par parasitisme inter-individuel.

Tout un pan du capitalisme prospère sur l’existence du vol. Comme d’ailleurs sur l’existence de la pègre – comment s’appelle déjà cette hénaurme banque commerciale connue pour n’être qu’une énorme machine à blanchir l’argent de la drogue ? Cherchez, ça se trouve facilement, et je n’ai pas spécialement envie d’enrichir un avocat pour des histoires de diffamation….

Bref, je pense que tout le monde a compris. Hein ? Oh… oui, je sais, si tout le monde s’y mettait, au vol, alors on verrait ce qu’on verrait. Bien sûr. Vous savez quoi, les énervés ? Devenez d’abord majoritaires, et ensuite vous me ferez signe. Parce que sur 68 millions d’endormis, même si vous étiez deux ou dix millions d’énervés, vous resteriez minoritaires.

*soupir*
Et retrait.
Autant et aussi loin que possible.

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6 réponses à “Métabolisation

  1. Honnêtement je n’en sais rien. J’essaie de me défaire de tout ce qui ressemble à une foi, une conviction etc. Et donc à de l’optimisme, ou à du pessimisme d’ailleurs, même si le regard que je porte sur les choses peut sembler sérieusement noir… Et l’est peut-être. Seulement, pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer… Mais vous n’imaginez pas comme je souhaite que vous ayez raison dans votre optimisme.
    Oh, et mon retrait n’est ni achevé ni apaisé – épisodiquement furieux contre l’humanité serait plus exact… 😦 Amicalement

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  2. Si. Mais sauf erreur de ma part, ça ne suscite pas même le début d’un agacement. Le phénomène reste archi minoritaire (en taille de marché) et concentré sur un nombre très limité de biens – qui ne se situent pas, en plus, sur les segments à forte valeur ajoutée. Même pour s’habiller, le circuit court, ce n’est pas gagné…

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  3. C’est vrai, le seul moyen qui semble à même d’agacer le capitalisme libéral marchant est sans doute qu’on l’ignore, non qu’on l’attaque. Mais privilégier les cycles courts et structures indépendantes est au moins autant une action qu’une fuite, non ?

    Aimé par 1 personne

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