négation, rêve, et plus si affinités

Lawrence Durrell ; peut-être mon Britannique préféré.
Son Faust irlandais est un bijou dont on pourrait extraire presque une citation par page.
Ici, en quelques lignes : la foudroyante articulation de plusieurs thèmes pour moi essentiels.

« MARGUERITE : Ainsi, d’une manière ou d’une autre, on doit se changer en réceptacle, se purifier dans les négations, jusqu’à ce que le vide dont la nature a horreur, soit comblé par cet élan qui balaie les catégories de l’esprit ? Mais ce havre de grâce, alors, ne peut être découvert que dans le rêve!
FAUSTUS : Splendide !
MARGUERITE : Oui, mais est-il possible de rêver sans changer le monde entier ?
FAUSTUS : Le monde intérieur ou le monde extérieur ?
MARGUERITE : Les deux. N’en forment-ils pas un seul ? Et là, je vous cite. »

Lawrence Durrell,Un Faust Irlandais, moralité en 9 scènes. Paris Gallimard. Trad : F.J Temple.1974

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taortue

Enfin ! en réouvrant inopinément Tchouang Tseu, je retrouve enfin ce passage sur lequel je souhaitais remettre la main depuis quelques années, tout en ne sachant plus chez quel taoïste je l’avais lu.

Histoire de dire que de l’anarque au taoïste, il n’y a qu’un tout petit pas. Celui peut-être de la sagesse à « acquérir » – ce qui est mal dit, car il s’agit à l’évidence d’un renoncement… « supplémentaire ». Amusant comme notre langage peine à exprimer le dénuement.

Alors que Zhuang-zi pêchait dans la Pu, le roi du Chu lui envoya deux émissaires annoncer qu’il voulait lui donner une charge. Gardant sa ligne en main, sans même se retourner, Zhuang-zi dit : « J’ai ouï dire que le Chu possède une tortue sacrée morte il y a trois mille ans, que le roi la garde enveloppée dans une corbeille, cachée au sommet du temple des ancêtres. Cette tortue préfèrerait-elle être morte et avoir ses restes honorés, ou vivre en traînant sa queue dans la boue ? » Chacun des émissaires répondit qu’elle préfèrerait vivre et traîner sa queue dans la boue. Et Zhuang-zi dit « Partez ! Je traînerai ma queue dans la boue ».

Tchouang Tseu- traduction de Jacques Laffite – Paris, Albin Michel 1994. Chapitre XVII, la Crue d’automne.

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pour des bulles

pour avoir fait des bulles de savon
vous serez châtié

ordre imbécile
rébellion enfantine
personne n’en sort vraiment grandi

et pourtant

bulles de savon
de l’eau, des sels minéraux
un souffle – on sort de la matrice

un souffle et du vide
emprisonnés dans une enveloppe fragile
simple et vain miroitement
dérivant, si vite éclaté

et l’on ose se gargariser
économie, métaphysique, société
quand c’est un souffleur
qui dicte les discours…

bulles de savon :
memento mori
les philosophes
plus que tout autre
devraient se taire
suspendre, pécores, leur péroraisons
et méditer

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