Enfin ! en réouvrant inopinément Tchouang Tseu, je retrouve enfin ce passage sur lequel je souhaitais remettre la main depuis quelques années, tout en ne sachant plus chez quel taoïste je l’avais lu.
Histoire de dire que de l’anarque au taoïste, il n’y a qu’un tout petit pas. Celui peut-être de la sagesse à « acquérir » – ce qui est mal dit, car il s’agit à l’évidence d’un renoncement… « supplémentaire ». Amusant comme notre langage peine à exprimer le dénuement.
Alors que Zhuang-zi pêchait dans la Pu, le roi du Chu lui envoya deux émissaires annoncer qu’il voulait lui donner une charge. Gardant sa ligne en main, sans même se retourner, Zhuang-zi dit : « J’ai ouï dire que le Chu possède une tortue sacrée morte il y a trois mille ans, que le roi la garde enveloppée dans une corbeille, cachée au sommet du temple des ancêtres. Cette tortue préfèrerait-elle être morte et avoir ses restes honorés, ou vivre en traînant sa queue dans la boue ? » Chacun des émissaires répondit qu’elle préfèrerait vivre et traîner sa queue dans la boue. Et Zhuang-zi dit « Partez ! Je traînerai ma queue dans la boue ».
Tchouang Tseu- traduction de Jacques Laffite – Paris, Albin Michel 1994. Chapitre XVII, la Crue d’automne.
…en toute honnêteté, il est très possible que mon affection pour ce passage tienne aussi à mon amour pour les tortues. Ces animaux sont magiques.
Sur ce point au moins, King qui définitivement n’est pas un poète, aura trouvé des mots simples et justes en leitmotiv de sa Tour sombre.
« Vois la tortue comme elle est ronde !
Sur son dos repose le monde.
Son esprit, quoique lent, est toujours très gentil,
Il tient chacun de nous dans ses nombreux replis.
Sur son dos se prêtent tous les serments ;
Elle ne peut nous aider mais jamais elle ne ment.
Elle aime la terre, elle aime l’océan,
Et elle m’aime, moi qui ne suis qu’un enfant. »
Oh… Et vous avez vu la Tortue rouge ?