mon chautauqua revient à Kerouac ;
(ce n’est pas comme revenir à un point de départ, dont je suppose qu’il se situe quelque part après la révolution, quand, selon les mots de cette chère Codrina Pricopoaïa, « ce putain de monde » avait déjà commencé à « devenir si bourgeois » (1) et que l’on en a pris conscience, soit vers l’exaspérant Ernest Coeurderoy, poeta minore bien-sûr ; les sources sont toujours modestes et diffuses, ce qui ne les empêche pas d’avoir leurs nixes, mais c’est un autre sujet)
revenir à Kerouac parce que l’étape est facile et chaleureuse ;
et que je programme de passer mon été à des kerouakeries,
beaucoup sur la route ;
enfin, quand dès que, à la seconde où j’en aurais fini avec quelques (gros) brico-chronoph-ages et du courrier en retard ;
et puis parce qu’il y a chez Jack, si non des merveilles,
en tous cas des passages à même d’émouvoir profondément un rejeton de la génération x finissante par ce qu’ils verbalisent et explicitent de ce qui, chez nous successeurs, s’est sans doute endogénéisé, fait axiome implicite,
comme un acquis se fait inné…
je veux dire, des passages comme celui-ci, qui, au chapitre premier donne le ton de ce qui va suivre jusqu’à Big Sur :
« (…) the only people for me are the mad ones, the ones who are mad to live, mad to talk, mad to be saved, desirous of everything at the same time, the ones who never yawn or say a commonplace thing, but burn, burn, burn like fabulous yellow roman candles exploding like spiders across the stars and in the middle you see the blue centerlight pop and everybody goes «Awww!» What did they call such young people in Goethe’s Germany ? »
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Considération incidente 1 :
Une chose qui me frappe en vieillissant : connaître quelqu’un, c’est connaître son grain. Et les grains ressortent avec le temps.
Mon grand-père, qui, psychiatre et passablement cinglé, devait savoir de quoi il parlait, disait que la norme n’existe pas. Je crois qu’il avait grandement raison. Elle n’existe pas davantage que l’opinion publique de l’odieux Bourdieu. Il n’y a de norme qu’un vernis ennuyeux à mourir, doublé d’une psychose socialement acceptable parce que plate, et sur fond de médiocrité(2) infinie.
Ce qui explique probablement mon sentiment sur les gens qui pensent, prétendre et veulent incarner la norme ; sentiment qui va du bâillement à une méditation profonde sur la pertinence non moins profonde qu’il y aurait à loger plus profondément encore une baballe dans leur nunuque.
J’avoue sans problème que je fais partie des gens dont, définitivement, la famille préfère ne pas connaître les amis. Et, en toute honnêteté, qu’il y aurait dans ma famille, une belle tripotée de cibles pour jeux de baballe, que je fuis par reconnaissance du ventre.
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Considération incidente 2 :
Il faut quand même que j’explique le titre de ce post. C’est qu’un truc m’a fait bondir et farfouiller dans ma bibliothèque pour une exhumation.
J’emprunte la citation de Kerouac à mon édition d’On the road, publiée chez Penguin – navré, le livre est dans état pitoyable, et s’il y a eu une page mentionnant la date d’édition, elle fait partie de celles qui ont été arrachées…
Mais, si cette édition est exacte et conforme au texte établi et déposé en 1955-57 par Jack Kerouac, peut-on m’expliquer la traduction de ce passage proposé dans l’édition française (acquise en remplacement de mon pingouin en ruine, par paresse et apparemment par erreur) publiée par Folio dans sa collection foutaises :
« les seules gens qui existent pour moi sont les déments, ceux qui ont la démence de vivre, la démence de discourir, la démence d’être sauvés, qui veulent jouir de tout dans un seul instant, ceux qui ne savent pas bâiller ni sortir un lieu commun mais qui brûlent, qui brûlent, pareils aux fabuleux feux jaunes des chandelles romaines explosant comme des poêles à frire à travers les étoiles et, au milieu, on voit éclater le bleu du pétard central, et chacun fait « Aaaah ! » Quel nom donnait-on à cette jeunesse-là dans l’Allemagne de Goethe ? »
Poêle à frire, hein ?
Un « enrichissement » du traducteur, je suppose.
C’est son droit, mais pour moi l’affaire est classée ; ici au moins (?), Jacques Houbard n’est pas un traducteur ; c’est un traître.
(1) Non, bien sûr, l’embourgeoisement avait commencé bien avant. Bien avant Molière, même.
(2) Libéraux de salon, passionnés de football et autres amateurs de jeux télévisés, vous pouvez mourir en paix, j’assume totalement la prétention et l’imbuvable fatuité de mon propos.
Sous la poêle à frire, qui grésille, la pépite d’un trésor enf(o)ui
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