La mélodie des choses

Mon chautauqua se mêle ce matin de citations. Mais avant, pour poser le décor, ou… le problème, un morceau que j’apprécie beaucoup :

A partir de là, un constat et une frustration.

Constat : je suis, et définitivement, des enfants du rock, et de ses dérivés dysphoriques, ou, éventuellement, expérimentaux. Mais me laissent de marbre et glace l’essentiel de la musique dite électronique, et la quasi-totalité de l’histoire musicale du XVIe au XIXe siècle. Mon hérésie et parfois ma honte : oui aux chants d’extase d’Hildegarde ou de la Sibylle ; et flûte, enchantée soit-elle, même à Mozart, Bach et Ravel. Ce n’est pas faute d’avoir essayé ; j’admire, mais cela me reste étranger.

D’où sont nés, les pays de karst sont arides, des gouffres abyssaux dans ma culture générale. Je me souviens m’être fait sévèrement rembarrer lors d’un de ces entretiens de cooptation qu’on appelle pudiquement « grand oral » pour avoir ignoré ce jeu de mot : Verdi fait Victor Emmanuel Rei d’Italia. La belle affaire : l’acrostiche me laisse encore plus froid que ses opéras.

Ma frustration : outre de chanter juste mais comme une casserole rayée, ne rien connaître de la musique, de la musicologie, des tonalités, du solfège et n’avoir pas reçu à la naissance ce merveilleux cadeau qu’est l’oreille absolue. J’en aurais su quoi faire.

Du coup, ma promenade dans un monde magique -avec l’impression connue du spéléologue dérobant à la nature la splendeur de concrétions vouées à l’obscurité et normalement hors de l’atteinte humaine – : lire Leoš Janáček.

A ceci près que, si j’ai quelques clartés sur la formation des stalactites, leurs couleurs, le nombre d’heures durant lequel la goutte d’eau doit rester en suspens pour faire naître une colonne harmonieuse, les mots de Janáček me sont parfois abscons comme les machines fantastiques d’une industrie disparue, dont j’ignorerais procédés et objet. Avec la possibilité que mes ignorances chargent un jargon d’une poésie qu’il n’a pas. Qu’importe. Et tout béotien que je sois, je peux du moins goûter l’indépendance d’un esprit qui se moque des Boileau et Bouhours.


Curieusement – ou non, au vu de mes mauvais goûts musicaux, la musique de Janacek m’empoisonne. Mais crénom, que j’admire et envie sa saisie du monde ; cette faculté de prêter l’oreille aux « mélodies du parler », de coder « les parlers de la nature ».

Un regret donc. Ne savoir pénétrer avec cette précision le langage de l’être.

J’aurais noté la mélodie de mes caresses sur ton dos.

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Photographies prises dans la douce lueur d’un de mes lieux de perdition favoris de : Ecrits, Leoš Janáček (choisis traduits et présentés par Daniela Langer), Paris : Fayard, 2009, 509 pages.

7 réponses à “La mélodie des choses

  1. l’on trépasse, je suppose

    pareille discorde : malédiction de spectre – break beat de poltergeist à coeur brisé

    pour le koân, oui
    il règne au bout un silence merveilleux
    pour l’heure il m’effraye un peu
    mais je crois bien que j’y retournerai
    en prélude à l’autre silence, plus profond

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  2. Que se passe-t-il si l’on dit

    Mon coeur et moi, en
    Désaccord, nous ne battons
    Pas au même rythme

    Le koân, cette poussière qui interroge mon oeil, et qui finit par se cristalliser en un prisme, vers lequel tout converge

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  3. je ne sais (ni lire ni écrire ; et épeler, mal) ;
    accordance (concordance : du cœur), discordance : où cela commence-t-il ?
    (et je pense : i’m the boy / who can enjoy / invisibility)
    peut-être en est-il comme du vent et des drapeaux du koân :
    juste l’esprit qui se meut
    et le koân lui-même, est-il autre chose qu’une discordance
    où perce l’accord ?
    (pour faire percer l’accord)

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