« catho de gauche » : malgré soi, toujours ?

Il y a cette opposition si virulente manifestée par les anarchistes et l’extrême gauche, notamment libertaire, aux religions en général ; au christianisme en particulier.

Je la comprends ; je me l’explique aussi assez bien – et certains dont l’insupportable et jargonneux Marcel Gauchet ont étudié mieux que moi comment l’État moderne s’est construit par une affirmation largement dialectique et paradoxale contre l’autorité traditionnelle de l’Église-catholique-apostolique-et-romaine.

En même temps, elle ne cesse de m’étonner. L’universalisme abstrait qui fonde l’humanisme de gauche s’est construit sur les valeurs chrétiennes. Et la très bien-pensante Kriegel faisant son marché sur les rayons de « la philosophie classique des XVIe-XVIIIe siècles » pour y trouver les fondements de sa Philosophie de la République ne démontrera pas le contraire.

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Duende

Je n’en ai pas fini. Ni avec le mot qui me hante depuis 1995, ni avec ce titre qui est un vieux désir. Ni avec Frederico García Lorca – dont j’ai vu les vertes balustrades un soir de magie, c’était dans dans un monde révolu, portées par une voix que j’emporterai dans la tombe. Je n’en ai fini avec rien de tout ça.

« Lorsqu’il voit arriver la mort, l’ange vole en cercles lents et tisse avec des larmes de glace et de narcisses l’élégie que nous avons vu trembler entre les mains de Keats, celles de Villasandino, dans celles d’Herrera, dans celles de Becquet, et dans celles de Juan Ramón Jiménez. Mais quelle est la terreur de l’ange s’il sent une araignée, même la plus minuscule, sur son tendre pied rose !

En revanche, le duende ne vient pas s’il ne voit pas de possibilité de mort, s’il n’est pas sûr qu’elle va rôder autour de la maison, s’il n’est pas certain qu’elle va secouer ces branches que nous portons tous et que l’on ne peut pas, que l’on ne pourra jamais consoler.

Par l’idée, par le son, ou des mimiques, le duende aime à être au bord du puits dans une lutte franche avec celui qui crée. L’ange et la muse s’échappent, avec un violon ou un compas, mais le duende vous blesse, et c’est dans la guérison de cette blessure qui ne se ferme jamais que se trouve ce qu’il y a d’insolite, d’inventé dans l’œuvre d’un homme. »

Le duende, pas de problème, ça se trouve encore

Moi, c’est la muse et l’ange qui m’intéressent.
Dommage. Aux dernières nouvelles les muses sont parties avec les elfes, et il y a belle lurette que les anges font le trottoir pour se payer leur dose.
Mais renoncer n’étant pas le genre de la maison, on va continuer de chercher.

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Ok, I do sometimes code some cold lights on a kodalith…

« i said i’d write a letter, but i never got the time
                                   and waiting for the day, i mesmerize the light »

Je me souviens de ces heures où l’on découvrait l’image comme l’on délace un corsage ; entre appel et sobriété. Là, retenir l’ombre et faire venir ici les volumes d’une image latente : rien de brutal ni de voyeur dans cette érotique de la lumière.  Le temps d’un expire plein d’espoir, le Réflex ne capture encore d’ailleurs que cet instant insu, où la bascule du miroir égare l’œil dans le dédale d’un prisme obscur.

Curiosité de cette mode d’encodage binaire et de boîtes compactes : l’instant volé s’est raccourci, mais sa connaissance totale demeure, renouant avec cette autre pratique des pionniers ; lorsque cet art naissant, comme d’autres avant lui, fut mis au service des vulgarités sociales. Comme hier, de galeries de portraits en dimanches de soleil, de mariages en baptêmes, s’étalaient de longues poses savamment composées, l’image d’aujourd’hui, plus vile car jetable, est toute maîtrisée ;  comme d’un bondage impudique pour un regard pornographe.

Alors, chez les plus tendres, on rhabille la victime, on la soigne. Et comment ! Courbes et niveaux, la précision devient médicale. La chambre noire s’est parsemée des écrans blafards d’un bloc aseptisé. High key dira-t-on, mais c’est le ton, la teinte de l’époque. Nous avions des émulsions, nous avons des algorithmes. Nos nuits furent de lueurs et de doutes, voici plus déchirants que des phares, des dizaines de milliers d’ISO.

Et si c’en est trop pour les cœurs sensibles, reste la construction léchée d’un monde en studio ; l’esthétique parfaite de l’iconographie commerciale. Ou pour les intellectuels, le maniérisme de l’épure, le vertige du graphisme, l’enthousiasme de la ligne ; bref, sous des airs « vintage », la passion du « design », sous une apparence fantaisiste, la rigueur du calcul binaire. Dans leur radicalité, les kodaliths de Grand Père, finalement, s’acclimatent bien sous ces latitudes.

Un réconfort au moins : pour une fois, le chiffre garde un peu du mystère.

Aussi, vaille que vaille, refaisons ce déjà vu. Et que l’aura nous pardonne cette piètre contrition, mais peut-être notre faute aurait-elle pu s’avérer pire.

Matière noire

alors, contre l’épure, on voudrait pousser plus loin, au-delà de la douleur, et pénétrer la matière jusqu’en son cœur et le sentir palpiter

comme pour surmonter l’écorchure

et, là, se pouvoir tenir

coi.

Paris 2010.

 
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edit de 2019 : En farfouillant à la recherche de vieilles photos, je retrouve ce texte que j’avais mis en ligne sous un titre proche sur un ancien blog que j’ai depuis longtemps suprimé, intitulé « cold lights factory ». Je le reposte parce que presque 10 ans après, j’en pense toujours chaque mot.

Si ce n’est que faute de temps, mon snobisme a évolué : à l’époque, je continuais l’argentique au reflex. Depuis que le Reflex-qui-fait-tout-pour-vous en 40 milliards de pixels est devenu un must-have de père de famille, je m’ingénie à photographier avec mon portable d’entrée de gamme. Mais au fond, tout le monde s’en fout, et c’est tant mieux…