psychopathie onirique

Γνῶθι σεαυτόν.

Voilà qu’après plus d’un mois d’absolu mutisme, à me demander même comment j’ai pu écrire, un jour, plus de deux mots, une série de rêves ineptes et dont je me serais volontiers passé me fait repenser à tout ce qui suit.. et reprendre la plume.

Du chautauqua remonter à la question et de la question, aux mauvais songes.

*

Chautauqua

i.e. se répandre un peu pour y voir clair :
Γνῶθι σεαυτόν :

autant que possible ne pas se mentir, ni mentir tout court. Éliminer, avec les malentendus, ce ridicule miroir à deux faces que chacun brandit comme bouclier entre lui-même et autrui ; ou du moins, n’en restreindre par nécessité le port qu’au strict monde professionnel, et aux relations les plus extérieures de la société.

Je veux et crois être gentil, respectueux et doux avec les gens que j’aime, proches et amis ; j’essaye sincèrement d’être bienveillant avec le reste des gens qui m’entourent – mes voisins, ceux que je croise dans la rue. Et même si les gens dans leur généralité m’agacent assez vite, je ne cherche vraiment de noises à personne ; je vomis le pouvoir, la malhonnêteté intellectuelle et la cupidité.

Point. Pour le reste, je reste probablement frappé de l’atavisme d’une famille paternelle peuplée d’individus insupportables, un jus de clan corse et de ces condottières ombrageux qui croupissent dans l’Enfer, et me font considérer comme un acte de sagesse de n’avoir point engendré – et regretter que mon frère ait cru bon de le faire. Hélas : il n’avait jusque-là eu que des filles ; on aurait peut-être pu éteindre le nom, au moins pour ce rameau moribond. Bon, reste l’espoir de la dilution génétique…

Bref : je peux toujours m’asseoir sur mon zafu pour y assoupir mon animosité envers le genre humain, je ne me crois pas, je ne peux me croire, spécialement gentil.

A dire vrai, j’éprouve pour mon prochain une empathie à géométrie totalement variable, et simplement nulle pour le salaud, l’emmerdeur… et toute personne qui, soit prétend à la domination ou à la manipulation, soit sans que je l’y invite ou autorise, tente de faire de son problème mon problème.

Mais si l’on me demande, je suis comme beaucoup de gens, peut-être la plupart : j’adhère basiquement et sans paranoïa (enfin, j’espère) au principe si vis pacem para bellum, ne tolère que très mal de me faire marcher sur les pieds ; s’il y a offense, surtout délibérée, ne pardonne que rarement, ne connais pas la prescription, et suis du genre à régler mes ardoises.

Comme beaucoup de gens, hein ? Comme la plupart ?

Comme la plupart, non, je n’y crois pas vraiment (tant il me semble que « la plupart » est faite des munichois. Sans doute, il faudra un jour expliquer ce que j’entends par là…)

Mais comme beaucoup ? Oui, je croyais à cela.

Seulement, j’avais peut-être tort. Peut-être que j’appartiens à la catégorie des 25 % de méchants énervés. Et peut-être qu’en toute lucidité, je ne devrais pas être surpris du résultat de ce test, fait il y a quelques temps, et trouvé, crois-je me souvenir, sur un site de vulgarisation scientifique. Je sais… D’ordinaire je ne me livre pas à ces inepties, pertes de temps garantie sur facture d’une psychologie de comptoir boostée à l’effet barnum. Mais ici, le test s’inscrit dans une démarche statistique et, semble-t-il, scientifique malgré le décorum marketeux et ridiculement « dark » du site – destiné je suppose à attirer le répondant (…tiens, ce design et ce nom de « dark factor » ne constituent-ils pas en eux-mêmes un biais attirant les gens bizarres ?)

Toujours est-il qu’en répondant sincèrement et attentivement, à trois reprises et plusieurs semaines d’intervalle, j’atteignais un « d score » variant de 2.83 à 2.86, plus élevé que 73 à 77 % des 332 000 répondants m’ayant précédé. Rares petites vertus : sur les 10 « traits obscurs » mesurés, je n’ai de score bas ou très bas que sur l’avidité et le narcissisme. En revanche je suis à en croire ce test, plus égoïste, machiavélique, méchant et sadique que 70 à 80 % des répondants…

Hypothécritique lecteur, mon (di-?)semblable, mon frère, tu es encore là ? Si oui, chapeau bas ; outre que tout ce blabla est fort long, même moi qui ne sais me fuir, j’aurais bien pris mes jambes à mon cou. Certes, je ne me pensais ni enfant de chœur ni très fréquentable, mais, de là à me percevoir comme possiblement (mais alors modérément) affligé d’une personnalité dyssociale, me restait un pas à franchir…

Heureusement, supposais-je devant ces résultats, que ma misanthropie me fait vivre l’essentiel du temps retiré au fin fond de la cambrousse.

Et puis… je notais l’ensemble dans un coin de mon cerveau, laissais mariner en n’y pensant plus.

*

La question.

Selon les auteurs de ce test, « En termes simples, les individus avec un score D élevé poursuivront leurs intérêts personnels de manière impitoyable, même (ou tout particulièrement) si cela affecte négativement les autres, tout en ayant des croyances qui justifient ces comportements ».

Cela voudrait-il dire que tout le fatras d’idées fumeuses élucubrées au fil des pages de ce site, et dans les dizaines de cahiers et fichiers qui m’encombrent, sont fondamentalement mobilisées par l’envie de justifier mes immoralismes (réels ou supposés) ?

Bien possible.

Ahaha, pas vraiment nouvelle, la question. Mais quelle bonne douche pour l’égo, si merveilleusement dérangeante, et pointant tellement vers ce que dit l’intuition, à savoir que les philosophes n’adhèrent pas à une idée pour sa robustesse, mais par convenance personnelle ; voire, pire, en fonction de leur caractère : la philosophie serait surdéterminée.

Marrant, ou désespérant ; c’est selon ; ou : du pareil au même.

Oh… bon, je crois de longue date que les Heideggeriens, les Nietzschéens, les Hégéliens, les Kantiens, les suppôts de l’école de Vienne, ceux de l’école de Francfort etc. le sont par préférence, par choix plus que par conviction ou par raisonnement ; si ce n’est même : par choix esthétique. Pourquoi la belle âme aurait-elle seule ce privilège ?

Quant aux auteurs eux-mêmes, j’ai toujours avec quelque hilarité, contemplé Hegel se posant, avec l’Etat prussien, à la fin de l’Histoire, Heidegger développant une théorie du Dasein dans laquelle le Dasein s’appelle Martin Heidegger (à moins que ce ne soit l’inverse?), ou Socrate rêvant du philosophe roi…

(mais oui, mais oui, du calme, vous avez raison : c’est plus compliqué… et je m’égare)

Où me situe-je face à cela ? eh bien je ne me dis ni auteur ni philosophe ; je ne suis et ne veux être rien, et ne me crois d’aucune école. Si je partage partiellement, de Machiavel, d’Hobbes ou de Schmitt un certain pessimisme anthropologique, tous restent trop optimistes et leur optimisme fait d’eux, en dernier ressort, des (p)artisans de l’Etat – soit : d’une abstraction juridique vouée à défendre et figer un ordre social hiérarchique fondé sur la putasserie parce qu’humain. Et ce même pessimisme anthropologique, j’y reviendrai ailleurs, me fâche avec les Bakounine, Kropotkine et Occalan… STOP.

Qu’importe, je peux ratiociner tant que je veux, ça n’écarte en rien la possibilité d’une surdétermination… caractérielle !

*

Et les rêves, enfin, qui tournent au cauchemar. Voici.

I.

détente étendue d’un touriste en croisière
je sommeille sur un transat
torse nu dans le carré de vigne
entièrement recouvert de neige

deux chiots noirs et gris jouent
là bas dans une congère
je les appelle : d’où viennent-ils ?

arrivent en haut de la butte
trois calèches de l’ancien temps
leur peinture est écaillée
l’une est blanc cassé,
l’une est vert, d’un vert olive clair un peu laiteux,
l’une est noire et rouille

les claires sont conduites par des jeunes filles
un air de petite maison dans la prairie
la plus sombre par un homme en noir aux airs protestant

quand je l’interpelle en lui demandant ce qu’il fait dans mon jardin
il répond d’une voix hautaine, nasale et flûtée :
mais que croyais-je, ce sont ses chiots

je lui dis qu’il ferait bien de courir,
de hâter ses chevaux

II.

dans une rue de paris
chargée haut sur le plateau de la dépanneuse
la voiture, profitant des accordéons d’un ralentissement,
a vrombi et sauté au sol,
en tournant, durant le saut, en épingle à cheveux,
naturellement ;
au volant une vieille folle d’antan, sortie de benoît brisefer
sac violet, épingles à chignon et robe noire
voilà qu’elle nous bloque la route, n’avance pas ;
chérie klaxonne,
la vieille folle exaspérée recule, nous enfonce la portière –
ne pas l’escagasser ; ce serait d’une lâcheté sans nom
mais il m’en coûte un peu

plus tard
cela ressemble au boulevard du lieutenant de vaisseau
pédalant comme un diable en zigzag dans le trafic,
j’emmène en vélo la voiture chez le carrossier,
un peu inquiet que la police ne me prenne :
je m’arrête et descend
mieux vaut marcher à pied, à côté du vélo et de la voiture,
en les tenant à la main,
– naturellement

III.

dans ce bar où me rejoint chérie,
un bar sordide de caravansérail
de caisses et de planches,
une affiche annonce une course trans-australienne de stop-car,
naturellement ;
au point où en est la portière,
cela me semble sur le moment une bonne idée
j’en parle à chérie

le barman est taillé et vêtu comme hulk,
en levant la jambe, il parvient de ses orteils à saisir sa pinte
posée sur une étagère à deux mètres cinquante de hauteur
je plaisante avec lui sur le temps d’entraînement qu’a nécessité l’exploit
mais en vérité, il m’énerve
parce qu’il est trop content de lui,
et trop sûr que je n’aimerais pas le prendre sur le coin de la figure
[(singe je suis, singe je resterai) entre ces parenthèses de poussière]

peu après je me trouve dans une pièce en planches
à droite derrière la bar, sur une sorte de mezzanine
où l’on accède par une volée de marche au fond ;
chérie entre, ravissante dans sa petite robe rouge
une nuisette presque,
nous échangeons quelques mots
quand arrive le barman
il enlace chérie qui, les yeux baissés, minaude,
et, ah ? aie, le déshabille

depuis la mezzanine, je me dis que les limites sont franchies ;
pas même énervé et sans une seconde d’hésitation,
j’enfonce une longue paire de ciseaux, méthodiquement,
profondément, à travers les trapèze, jugulaire et carotide d’hulk
et pour faire bonne mesure, écarte à deux mains les ciseaux dans la plaie
– je veux bien être gentil, ouvert et non possessif,
mais apparemment il y a des limites à tout

… F60.2 ? c’est grave doc ?

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3 réponses à “psychopathie onirique

  1. Un bel usage du langage NON NON je cherche Ä deux mains La cohérence de mouvement Ä l’ËÄÜ9 ÄDN1 ÏnfÖ7 ce jour ciel ÜBÜ Ö science ÄstrÖ7 fägöt7 Ï Dr-Faustroll câlin Petit-être

    Aimé par 1 personne

  2. ahaaa, pas à me remercier ; je passe régulièrement voir tes textes, toujours jubilatoires. Un bel usage du langage, et passablement différent :)

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