De quelques (usuelles) réactions à l’abstentionnisme

Stupidité ou abus d’alcool ; les deux probablement. Je me suis récemment laissé aller à accepter une discussion sur le sujet de l’exercice du droit de vote. Cela m’a valu un florilège des réponses typiques offertes à l’abstentionniste par ceux qui savent – qui savent qu’il faut voter, pourquoi et pour qui il faut voter.

L’ordre est toujours le même :
– « si tu ne votes pas, tu ne peux pas te plaindre »
– « eh bien si personne ne te représente, présente toi ! »
– « ta vision des choses est négative. »
– « C’est méprisant. »

Pfff.
« Eléments de (non-)réponse » :

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En finir avec le vote

L’anarque, c’est son principe même, est celui qui ne règne pas ; celui qui délibérément entend ne pas exercer de domination dans l’histoire et sur l’homme.

Cela implique de récuser également tout exercice conjoint d’une domination – toute Collaboration au sens historique et bien français qui sous-tend derrière ce mot trahison de soi et  violation des impératifs moraux – y compris dans le cadre du vote « démocratique ».

Nonobstant le malentendu qui fait oublier à l’électeur que le candidat à l’élection est par nature ennemi puisque n’aspirant jamais à le représenter comme individu mais toujours, en fait, à additionner les légitimités des voix pour se prévaloir non d’une représentation en pratique impossible mais d’un pouvoir(2),

j’y reviens(1) encore, contre deux idées, hélas émises par deux personnes que j’aime beaucoup, et qui, par l’infâme sottise de ces seules propositions, ont quelque peu chu dans mon estime.

La première de P1-3R : « la politique, si tu ne t’en occupes pas, elle finit par s’occuper de toi ».

La seconde, bellement condescendante de R3-G1 : «Tu peux toujours être contre tout, cela ne fait pas avancer les choses. Dis-toi qu’il y aura une politique et que, de toutes façons, tu seras gouverné. Il faut bien choisir quelqu’un. Et comme je suis quelqu’un de positif, je pense qu’on peut améliorer les choses. »

Derrière ces deux idées, une même surestimation de soi et de la rationalité humaine.
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Mais que devient le rêveur quand le rêve est fini

J’emprunte ce titre à Hubert-Félix ; mais à dire vrai, son interrogation se glisse derrière chaque mot que j’écris ces derniers temps.

Je ne les compte plus, ceux qui, parmi les révolutionnaires de ma génération ont passé les 15 années suivant leur vingtaine(1) à justifier, avec force philosophie et rationalité, leur inaction ou, pour ceux d’entre eux qui s’auto-définissaient comme « activistes », leur échec. Oh, bien sûr, il faut les entendre en parler : pour avoir jeté deux pavés, on dirait qu’ils ont fait le Vietnam ; et ils étaient à deux doigts de ; et d’ailleurs, le Gouvernement a reculé etc. etc. etc.

Et leur victoire a été telle que les dernières mandatures ont été ce qu’elles ont été. On se marre.

Et je ne peux m’empêcher de me demander : combien dans ceux d’aujourd’hui suivront la même trajectoire.

D’ores et déjà, j’en ai vu prendre le temps de coucher par écrit une dénonciation de l’attentisme des générations précédentes, toutes occupées à envisager les modalités du grand soir, et d’expliquer qu’eux, allaient [diable, quelle latence dans ce verbe aller] définir les modalités du grand soir et le faire… Voyons : l’écrit est déjà, en lui-même, dilatoire ; et son contenu l’est aussi, mais les paris sont ouverts. Mon intuition et mon expérience me font soupirer : une fois encore, quand dire c’est ne pas faire…
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Quelle fin de la souveraineté ?

La souveraineté – concept bâtard mêlant droit et puissance, hypostasié par les ordres juridiques contemporains nationaux et internationaux – n’est pas seulement récent, et perpétuellement mis à mal.

Comme trait majeur – comme définition même de l’État, au moins dans son acception unitaire – elle est supposée depuis Machiavel permettre un optimum social de second rang – l’ordre cynique mieux que le chaos guerrier auquel conduirait la poursuite d’un optimum théologico-politique de premier rang.

(Où l’on observera que, contrairement à une lecture qui n’est pas inexacte mais trop répandue, Machiavel ne fait pas table rase d’Augustin. S’il remise bien aux oubliettes l’augustinisme politique, il valide au contraire la lettre même de l’évêque d’Hippone en ne niant pas et même en théorisant le caractère inique des institutions humaines ; avec cette lucidité de placer la coprophilie au fondement de la science politique – une amertume de courtisan, fut-il courtisan d’un « magnifique » Laurent, on se marre.)

Or, rien ne dit que ce qui a pu prévaloir au temps de l’ordre westphalien vaille avec pertinence aujourd’hui. Lire la suite

Que faire du politicard ?

Parce que son sujet fait l’anthropologie une sous-discipline fortement vulgaire de la primatologie, il faut lire et relire Frans de Waal. Chacun pourra constater qu’on ne trouve sous sa plume rien qui puisse justifie son optimisme un peu niaiseux quant aux vertus morales du sapiens sapiens.

On y apprend en revanche que dans le parc de Masai mara au Kenya…

« Une troupe de mâles qu’étudiait Robert Sapolsky (….) traversait tous les jours le territoire d’un autre groupe pour accéder à une décharge située près d’un gîte pour touristes. Seuls les mâles les plus puissants et les plus méchants parvenaient à bon port. Cette manne valait indiscutablement la peine d’en découdre, jusqu’au jour où le gîte jeta de la viande infectée de tuberculose bovine, qui décima tous les babouins qui en consommèrent. La troupe qu’on étudiait (…) devint du jour au lendemain une oasis inattendue de paix et d’harmonie dans le monde impitoyable des babouins (…) ce modèle persista pendant une dizaine d’année alors qu’il ne restait aucun mâle du groupe d’origine ».

Frans de Waal, Le singe en nous, Paris, Librairie Arrthème Fayard, 2006. Réed. Coll. Pluriel 2011, 323p. (p.189) Trad. Marie-France Paloméra

La conclusion s’impose d’elle même. L’élimination physique du singe qui prétend être roi est garante de paix et de sérénité. Reste à en tirer les conséquences : où réside exactement le problème moral ? Dans l’élimination physique systématique de ceux qui prétendent régner ? Ou dans le fait de les laisser faire ?
A défaut, l’émasculation serait un premier pas vers la sagesse – à court terme, une certitude de tranquilité, et à long terme, peut-être le moyen d’un eugénisme pacificateur…

Crucifier Narcisse

Le Prince de Machiavel ne l’emporte que si on le laisse faire au-lieu de le traiter comme il se devrait. Je relève chez Frans de Waal :

« Dans les sociétés égalitaires, les hommes qui essaient de dominer les autres se heurtent à un travail de sape systématique, et la fierté masculine s’attire la réprobation. (…) De même le candidat au rôle de chef qui croira pouvoir dicter aux autres ce qu’il doivent faire s’entendra dire sans ambages que ses grands airs sont à se tordre de rire. L’anthropologue Christophe Boehm a étudié ces mécanismes de nivellement. Il a découvert que les chefs qui devenaient tyranniques, pratiquaient l’autoglorification, ne redistribuaient pas les biens et négociaient avec les gens de l’extérieur à leur propre avantage perdaient le respect et le soutien de leur communauté. Si les tactiques habituelles – la raillerie, les commérages et la désobéissance- échouent, les égalitaristes ne répugnent pas à prendre des mesures extrêmes. »



Frans de Waal, Le singe en nous, Paris, Librairie Arrthème Fayard, 2006. Réed. Coll. Pluriel 2011, 323p. (p.97-98) Trad. Marie-France Paloméra

 

 

A faire : se procurer les publications de Christophe Boehm.

Prophylaxie culturelle

De tout puissant, l’on – la société, de sa masse à ses esprits les plus éclairés – pourrait et devrait à vrai dire ne retenir que l’infâme. Car l’envie même de s’élever présuppose la conscience de sa propre médiocrité ; consubstantielle de l’individu dès le plus jeune âge. L’infériorité d’un être se mesure à ses rêves de grandeur.

Dans l’enfance de tout « puissant », il y a un morveux trépignant : « quand je serais grand, je serais président de la république » ; humilié de n’être pas davantage : un faible ; un ego qui a besoin de reconnaissance : un faible ; un traître qui ne dit pas ce qu’il pense : un faible ; un lâche qui joue de sa force pour s’imposer : un faible. Rien n’est plus infondé que ce terme de « puissant ».

Je fais reproche à Jünger d’avoir fait d’Eumeswill une uchronie, lui permettant de définir l’anarque par rapport à la figure du Condor ; et du Condor un tyran d’opérette, trop beau pour être vrai.

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Le nez dans le ruisseau, la faute à Rousseau…

Parmi les malentendus fondateurs des problèmes actuels, outre celui de la séparation des pouvoirs, il y a la théorie rousseauiste de la loi.


I. Que dit-elle ?

Ce que l’on en retient principalement,et que j’appellerai la doxa, c’est-à-dire :
– que la loi doit avoir un objet de portée général et exprimer une volonté générale.
– que ce qui relève de la décision individuelle doit être confié au magistrat
– qu’il est préférable que celui qui exécute la loi ne soit soit pas celui qui la fait

Et tout ce que l’on oublie plus fréquemment, dont trois hénaurmes réserves : Lire la suite

Médiocrité du web

Dans un ouvrage publié en 2007, on trouvait pour mesurer la quantité totale du savoir de l’humanité le chiffre de 10^20 octets. Et cette prophéties de haut vol : « l’information présente sous forme de textes, d’images ou de photo sur papier », « information analogique dont la croissance est faible » devait être très « largement dominée » dans les cinq ans ; tandis qu’exploserait l’information numérique stockée sur les différents supports. Et la fameuse loi de Moore était ici invoquée comme il se doit.

Bien, je suppose donc que nous avons depuis 10 ans pulvérisé ce chiffre de 10^20 octets, mais pour quel résultat ? Comme toujours la quantité nuit à la qualité.
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Pour ce que valent les valeurs

Les grammairiens – souvent des grammairiennes – , les esprits étroits qui se masturbent d’une main frigide en scribouillant de l’autre, scrupuleusement, vaniteusement, la dernière dictée de Pivot pour s’enorgueillir ensuite de n’avoir fait que quatre fautes, ces oiseaux qui piaillent le littré perchés sur leur réglette de scrabble,… je m’égare, bref, ceux qui sont à la poésie ce que le nécrophile est à l’amour, les grammairiens donc, n’y peuvent mais. La langue, creuset des représentations du monde, c’est-à-dire : agglomérat toujours actualisé d’idiosyncrasies mal assumées, de psychoses collectives, d’exagérations et d’euphémismes, le tout empâté des inévitables vulgarités de la mode, la langue évolue.

Et plus que les mots, parle leur choix ; plus que leur choix, parle leur évolution. Hier il y avait la morale ; c’était hier. Aujourd’hui, « faire la morale » est, comme le « discours moralisateur »,  malvenu.

Aujourd’hui, n’est-ce pas, on a des « valeurs » ; l’envie de gifler me prend à chaque fois qu’un imbécile – toujours heureux – exhibe le mot – toujours pompeux.

Exemple : les « valeurs républicaines ». Vous entendez les trémolos ? grotesques au point d’étouffer même Malraux dont le fââââmeux bêêêêllement sur Jeaaaaan Moooooulin restera pourtant à jamais dans les annales de la grandiloquence. Les « valeurs républicaines » ? Si la République repose sur des valeurs, il n’y a plus à s’étonner qu’elle soit, plus que jamais, gueuse, souillon, pute et enfant martyre.

Parce que les valeurs, ça vaut quelque-chose ; ça se chiffre, ça se mesure, ça s’échange. Cela se place sur une échelle, à sécher, comme les scalps et les rats morts. Les valeurs, c’est Parménide vu du plus rikiki bout de la lorgnette, l’homme, mesure de toutes choses, sauf, hélas, de son incommensurable sottise.

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