La permaculture de Sepp Holzer

Références : HOLZER, Sepp, La Permaculture de Sepp Holzer, Guide pratique pour jardins et productions agricoles diversifiées. Marsac : Imagine un colibri, 2011, 220p.

Prix : 25 euros

Principaux points du sommaire commentés :

1. « Aménagement paysager ». Le chapitre commence par des éléments généraux – peut-être trop généraux mais concrets et synthétiques – sur les plantes bio-indicatrices, qui permettent d’emblée au lecteur en recherche de connaissances pratiques de « calibrer » le terrain qu’il veut aménager (Humide ? Calcaire ? Acide ? Lourd?). Des dessins bienvenus qui auraient pu être plus systématiques représentent les principales de ces plantes.

Après un court – mais essentiel point sur les micro-climats (p. ex. aménagement de pièges à chaleur avec des pierres en montagne), suivent trois chapitres : la fabrication de terrasse (on retient les arbres fruitiers en limite « aval » de la terrasse pour stabiliser les talus ) ; l’aménagement en buttes (1,50 m de haut!) et en terrasses surélevées (une butte de 1,50 sur une autre de 1,50 m…) ; et les paysages aquatiques (beaucoup plus développé dans son 3e ouvrage).

Très intéressant : à la rencontre de ces trois chapitres : les jardins cratères, creusés en suivant les courbes de niveau, en plusieurs terrasses concentriques autour d’un point bas aquatique.

2. « Exploitation agricole alternative ». Plusieurs chapitres sur les engrais verts (là aussi, liste intéressante), les élevages (notamment les porcs, essentiels dans le système Holzer) et la fabrication d’abris souterrains et de caves (tout cela peut-être faisable par un particulier, mais surdimensionné pour la plupart des gens).

3. « Paysages fruitiers ». TRÈS INTÉRESSANT. En rupture complète avec la méthode « usuelle » que Sepp Holzer démonte pendant plusieurs pages à partir de son expérience personnelle. Suit une liste très précise et commentée de variétés qu’il recommande (malheureusement souvent difficiles à trouver, et souvent « germaniques » mais cela ne devrait peut-être pas freiner : Holzer a utilisé avec succès son blé sibérien ailleurs qu’en Autriche…). Enfin des conseils de greffage illustrés, qui donnent sérieusement envie d’essayer…. A voir.

4. « La culture des champignons ». TRÈS INTÉRESSANT, puisque c’est un moyen de produire des protéines à l’échelle individuelle & à moindre coût environnemental (++ pour les végétariens et les promoteurs de biodiversité). On retient notamment les méthodes de culture de shiitake. On trouve facilement des chevilles inoculées en VPC (j’en ai acheté là http://www.fermedesaintemarthe.com/A-8337-50-chevilles-shiitake.aspx ; pour l’heure, la canicule a réduit ma première tentative à néant en asséchant trop mon bois…)

5. « Jardins » – Je suis moins convaincu, peut-être car moins intéressé. Quelques pages sur les plantes médicinales, mais je suppose que l’on trouve mieux ailleurs ; MAIS quelques pages sur le jardin urbain et sur le balcon. Un must : p. 196 le dessin en coupe d’un « jardin -balcon » en bac.

Facilité de lecture / prise en main : 3/5 ; pas de notion complexe, tout est clair. Avec ce défaut sans doute que tout semble simple…

Technicité du contenu :

Reproductibilité / intérêt concret pour le particulier : 2 /5

Difficile à évaluer précisément. Beaucoup d’excavatrices dans ces pages, car Sepp Holzer parle de ce qu’il fait et connaît : une exploitation de dizaines d’hectares en montagne, de grands projets d’aménagement aux quatre coins du monde. On a souvent l’impression d’être très au-dessus des moyens sinon des préoccupations du particulier jardinier ou du petit maraîchage permacole à vocation d’autosuffisance. Mais beaucoup de choses à prendre – des principes généraux aux variétés recommandées.

Originalité / hauteur de vue : 4 /5

On peut ne pas tout partager de cette vision du monde certains aspects du propos heurteront le scientifique / rationaliste / allopathe convaincu. Mais on ne peut pas évacuer cet ouvrage du revers de la main en prétendant que ça ne marche pas. Parce que Monsieur Holzer fait réellement pousser des cerisiers et des citronniers à 1500 mètres d’altitude…

Commentaires / notes perso :

A ma connaissance, le 2e ouvrage de Sepp Holzer après l’Agriculteur Rebelle.

Dans l’ensemble, on est loin des séries de banalités que l’on trouve dans beaucoup des ouvrages qui surfent sur la vague de la permaculture, avec une approche très concrète. Autre avantage, celui-ci par rapport aux ouvrages de Bill Mollison et D.Holmgreen : une approche plus européenne de la question.

1. Quelques principes généraux se dégagent dont la philosophie est de coopérer avec la nature plutôt que de s’y opposer [p.ex. pas de lutte contre les ravageurs : les accepter, les anticiper en sachant qu’on va en partie les nourrir, pour ainsi les canaliser (en les repoussant ici, en les attirant là) et les utiliser]. Si je risque une synthèse (exercice difficile) :

  • Quelque soit l’aménagement entrepris, toujours réserver / préserver la couche d’humus, précieuse pour la réutiliser ailleurs.
  • Favoriser les micro-climats, éviter les lignes droites en privilégiant les courbes, privilégier les différences de niveau (cratères, buttes…)
  • Penser « global » et « mélange » : ne pas traiter séparément culture et eau, culture et élevage, maraîchage et verger, plantes cultivées et plantes sauvages – Holzer parle de « famille de plantes ».
  • Ne pas chercher la complication. Holzer recommande les buttes en matériaux bruts

2. Le livre est dense, mais il faut être clair : ce n’est à l’évidence qu’une introduction, à compléter par un gros apprentissage pratique et par d’autres lectures , que ce soit sur le greffage ou sur la culture de champignon…

Pour de premiers compléments :

– Sur les greffes : (choix et taille du porte-greffe, choix et taille des greffons, période de greffe) en couronne : https://www.youtube.com/watch?v=xuqvE5b6LcA ; en écussonnage : https://www.youtube.com/watch?v=Q77tR05S-u4, en incrustation : https://www.youtube.com/watch?v=fnCwATFVCGk

– Sur la culture de champignons : http://jontrot.free.fr/champignons/agrodok40.pdfet http://jontrot.free.fr/champignons/agrodok41.pdf ; semences de shiitake commandées là :

2. Parmi les plantes récurrentes que Holzer met à toutes les sauces, comme améliorantes, couvre-sol, fixe-talus etc. : les melilots et les lupins. Sur les lupins, il faut que je me renseigne plus avant sur le procédé de désamérisation, mais cela me semble hors d’atteinte à petite échelle. Restent les lupins blancs, mais les semences sont plus chères et apparemment, ça donne beaucoup moins.

3. On trouve un très bon résumé de cet ouvrage en vidéo sur le web. Ici par exemple :

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Désert ou paradis

Références : HOLZER, Sepp, avec DREGGER Leila, Désert ou paradis ? Mise en place et pratique de la « permaculture Holzer » – renaturation des paysages menacés – culture potagère et jardins urbains productifs – aquaculture naturelle et agriculture symbiotique. Marsac : Imagine un colibri, 2014, 207p.

Prix : 23 euros

Principaux points du sommaire commentés :

1. « Une gestion naturelle de l’eau est au cœur de toute renaturation ». Un point clé de cet ouvrage largement consacré à la ressource hydrique. Le raisonnement se construit à partir d’exemples concrets en Turquie, Andalousie, Ecosse. Beaucoup de hauteur de vue, des succès comme on en rêve, mais des projets surdimensionnés par rapport aux moyens ou aux ambitions du particulier amateur qui vise l’autosuffisance mais n’entend pas devenir professionnel ! TRES INTERESSANT quand même, p.70-75 des conseils pour la réalisation et l’étanchéification d’étangs naturels & bassins de rétention d’eau (par secouage des argiles à l’excavatrice ou à la pelle, la couche d’humus superficiel étant réservée), la confection de moines.

2. « Reboisement en accord avec la nature ». Le chapitre commence par une apologie de la polyculture. Suivent un long et effrayant exposé sur les méfaits de la monoculture en Russie (l’idée de fond est un peu convenue dans ce type d’ouvrage, mais elle reste loin d’être la pensée dominante) et un exemple concret de reboisement au Portugal. La méthode Holzer pour reboiser repose là encore sur le travail de la terre par les cochons.

3. « Une stratégie pour nourrir la planète ». TRES INTERESSANT chapitre. comportant notamment :

(a) p.125 et suivantes, une partie consacrée à « la permaculture Holzer pour les jardins autosuffisants et les mini-exploitations ». On y retrouve les fondamentaux de Sepp Holzer : collaboration avec les animaux (encore les cochons…), utilisation des pierres, stabilisation des pentes, construction de plates-bandes sur-élevées (excavateur nécessaire) ou de buttes (façon Holzer ; 1,50 m. de haut). NB pour les buttes (p.135) : technique de stabilisation des pentes par des branches feuillues « qui vont ensuite pourrir » et entre lesquelles « se créent de nombreuses zones micro-climatiques » humides ; NB également, p.138, un complément sur la technique des jardins-cratères.

NB p.164 : « plus la structure du sol est grossière – par exemple avec des buttes – plus la vie du sol est active et plus l’aération et la régénération sont rapides ». Holzer dit ailleurs avoir renoncé à broyer les matériaux de ses buttes.

(b) p.141 et suivantes : « la permaculture Holzer pour les terriens sans terre » – en  fait, un passage sur le jardinage urbain. A noter : des techniques de buttes sur décharge d’ordure, et ce qu’Holzer appelle des « contournements » (de vastes « tuyaux » de gaze, suspendus, alimentés en purin et plantés de légumes, disposés ex nihilo sur une structure ou le long des façades d’immeuble !! un rêve urbain, que j’ai du mal à imaginer réalisable en France compte-tenu de l’état d’esprit actuel…)

4. « les animaux sont des auxiliaires, pas des marchandises ». Tout est dans le titre ; on y parle bien sûr de cochons ; quelques éléments trop rares sur les poules dans le système Holzer (ne pas les maintenir trop longtemps au même endroit, les laisser nidifier et vivre naturellement). INTÉRESSANT : p.187-190, un passage sur l’apiculture. Trop rapide ! NB : la technique de freinage à la sortie de la ruche en déviant la trajectoire des abeilles pour qu’elles se frottent à des plantes mellifères.

Reproductibilité / intérêt concret pour le particulier : 3/5

malgré une approche très pratique et quelques pages visant les petites structures, cela reste toujours un peu surdimensionné pour le particulier. Disons qu’on n’a rien sans mal…

Originalité / hauteur de vue : 5/5

Phénoménal. Un point de vue surplombant, à la fois projet de société, d’urbanisme et modèle de développement. Cela peu parfois sembler un peu fou (une construction plantée en forme de champignon géant, imaginée en rêve, une communication un peu mystique avec les arbres en les tenant dans les bras).

Commentaires / notes perso :

A ma connaissance, le 3e ouvrage de Sepp Holzer après l’Agriculteur rebel et La Permaculture de Sepp Holzer.