comme un écolier apprend à lire, ou peut-être plus comme il caresserait l’échine de l’ombre, el hombre suit du doigt les lignes filoutes d’encres sombres, les cuivres bouillants de l’alhambic
ivresse de l’alhcool, les mots touchent : chaleurs, parfums, un rêve d’alhambra, et remeuglent du cœuremugle des nostalgies vagabondes d’il y a si longtemps, des nuits andalouses, des nuits à la douce, des oui dans la bouche
de l’ombre
révolus. Il y a si longtemps qu’el hombre et l’ombre ne sont plus à mots touchants ; et de l’ombre rien ne sort ; elle dresse des remparts, s’étend accompagnée de gardes, garde ses distances ; c’est que l’ombre n’est pas une trace, elle ne raconte rien ; et puis c’est ainsi, nulle ombre ne s’étreint ; l’ombre est intouchable
et el hombre ? oh il y a si longtemps qu’el hombre vit de l’autre côté des remparts que la sauvagerie du désert s’est glissée en lui ; el hombre ne craint ni la lumière ni la soif qui tous les jours transpercent les paupières et la gorge et le corps ; el hombre sait mordre et battre pour sa pitance les lynx et les hyènes, et trouver dans les grottes la noirceur à défaut de l’ombre
à ne vivre qu’aux déserts, aux périphéries, el hombre se sait fort bien en quarantaine – intouchable et paria ; et c’est après tout vrai qu’il a le rire dément et le marteau agile ; et qu’il saurait bien sans chagrin, comme on tue pour se détendre ou par inadvertance, briser avant de s’éteindre tous ces visages porcelaines qui cancanent dans la ville ; mais ce serait si facile et inutile qu’el hombre n’en fera rien ; et puis au fond ne l’intéresse que le visage bien aimé de l’ombre
mais à quoi bon, peut-être bien se dit el hombre, cette quarantaine est une perte de temps et il faudra avant la cinquantaine s’en retourner aux grottes, disperser, déverser, confier, au plus noir des gouffres, ce désir fou d’étreindre l’ombre avant de s’éteindre