Je n’ai jamais rencontré de libéral qui ne soit un idéaliste ou un imbécile.
Je parlerai ailleurs des libéraux idéalistes – ceux qu’un quotient honorable et des connaissances respectables rangent réellement, et sans que cela soit autoproclamé ou autotrépigné – dans l’école libérale.
Aujourd’hui, deux mots sur les libéraux de salon – parce qu’il y en a, comme il y a des chiens de salon.
Le libéral de salon ? Ce type qui, parfois mais pas toujours chef d’entreprise, éventuellement médecin, notaire ou huissier, parfois PDG même de très grande entreprise, mais toujours en chemise bleu clair, vous pourrit un réveillon en geignant sur ses impôts – mais en geignant sur le mode savant, s’il vous plaît : « jusqu’à quand va-t-on continuer à taxer la création de valeur ? ».
Comme les mêmes vocifèrent toujours contre la taxation du patrimoine, on en déduit qu’ils sont contre l’impôt, et, lorsqu’on les soumet à la question, (comprenez : si on les force à penser au-delà du « c’est-de-la-faute-des-socialistes »), ils finissent par des propos de haute tenue qui reviennent à : si on laissait faire le marché, tout irait mieux.
Magie de la maïeutique ou efficacité de la gégène : oui, le cerveau invisible du libéral de salon peut redécouvrir la main invisible d’Adam Smith. O extase.
Extase, mais sottise. Ces prétendus tenants du laisser-faire réussissent à se berner eux-mêmes et sont, il est vrai, convaincus de leur propos. En oubliant que leurs actes le démentent à chaque seconde.
Tant qu’il s’agit de se faire mousser, ils ont la bouche pleine de grands mots comme « concurrentiel », « performance », « innovation » ou « prise de risque », mais en pratique, l’expérience montre que toute entreprise cherche perpétuellement et par tous les moyens à sortir de la situation de concurrence. Le brevet, la marque, ne sont pas autre chose ; la mise en place de barrières à l’entrée – y compris par la voie réglementaire : idem ; la mise ne place d’un marché captif (par des consommables non standardisés, en multipliant les coûts de sortie du contrat etc.) est un autre exemple. On pourrait continuer 107 ans, mais tout le monde a compris. Pour résumer : si on « laisse faire le marché », on ne se retrouve pas, mais alors pas du tout avec la « concurrence pure et parfaite » des libéraux. On se retrouve avec une collection de monopoles.
Et quand Monsieur Chemise bleue fait en plus partie d’une profession libérale soigneusement protégée de la concurrence par l’Etat, huissier, notaire ou médecin,… si ce n’est haut fonctionnaire (!!!!) son propos « libéral » est à la limite de l’indécence. De l’autre côté de la limite, là où les balles devraient fuser.
Dans ces conditions, rien ne justifie ce gargarisme perpétuel sur la concurrence, l’innovation et la prise de risque. Sauf à dire que la concurrence se définit comme : « concours pour constituer un monopole » ; sauf si innovation veut dire « inventer des moyens tordus pour ne pas être en concurrence » ; et si « prise de risque » signifie : « assurer un max ses arrières ».
L’idéal du « créateur de valeur », du « preneur de risque » ? La quiétude d’un parasitisme impuni, le grossissement par la rente jusqu’à l’enflure. Forcément, ça en jette moins.
La position est d’autant plus paradoxale que tout cela – la protection de la propriété intellectuelle, les canaux de diffusion pour faire connaître et valoriser sa marque, les tribunaux pour la défendre, le pouvoir réglementaire et la puissance publique pour mettre en place et faire respecter les barrières à l’entrée – tout ce droit donc, nécessite pour avoir force de loi une puissance publique et les impôts qui vont avec. A la limite, les libéraux de salon devraient même, dans leur aberrant jargon, considérer leurs foutus impôts comme la rémunération logique d’un prestataire de fonctions supports !
Soit Monsieur Chemise bleue est complètement incohérent, ce qui n’est, question de QI, pas à exclure. Soit ce libéral de salon, loin d’être un âne fini, sait parfaitement ce qu’il dit, mais ignore ce que coûte ces fonctions supports et se moque de le savoir. Certes, le savoir permettrait d’argumenter son propos, mais l’ignorer est plus simple et n’est pas grave puisque l’on peut facilement entonner l’antienne de l’horrible-assistanat ou la ritournelle du gaspillage-des-deniers-publics. Des phénomènes qui existent, mais dont la seule mention ne démontre rien, faute de les chiffrer ; et de comparer leur poids et leur nuisance avec ceux des « fonctions supports » consommées par Monsieur Chemise bleue et consorts ; en ajoutant l’abominable somme des externalités négatives que représente outre leur activité, leur simple mode de vie de consommateurs aisés.
Allez, conclusion. A quoi bon s’exaspérer ? C’est une conversation de salon, comme d’autre en ont au comptoir. Monsieur le libéral cancane, c’est entendu, mais n’est-ce pas anodin ?
C’est surtout révélateur.
Monsieur le libéral veut surtout ne pas payer et préfère que l’on s’intéresse à l’argent des autres. Ce qui lui fait un point commun avec le plus plouc prolo du plus plouc bistrot. Oups, Monsieur Chemise bleue déroge et choit. Mais en fait, c’est ce qu’il fait toujours, malgré ses grands airs. Deux exemples avant de finir :
– Chose amusante chez le libéral de salon, si prompt d’ordinaire à se demander ce que fait la police, il est souvent normal et de bon ton de placer dans la « conversation » que l’on fraude le fisc, que l’on a provisionné, mais que bon, avec tout ce qu’ils vous prennent déjà…
– Le libéral de salon a de même une grosse cylindrée et vit très mal ces radars de merde qui l’empêchent de violer la loi tranquillement et d’être un danger public – parce que non, il n’a aucune raison d’avoir, comme il aime à le croire, de « réflexes supérieurs à la moyenne ».
Finalement, le libéral de salon, n’est pas un tenant du laisser-faire. C’est un tenant du laissez-moi faire.
Une ordure finalement très ordinaire.
Attention, le libéral de salon, ou LDS, ne doit pas être confondu avec le LSD, ou acide lysergique. L’un monte sur ses ergots, l’autre vient de l’ergot. On croit seulement halluciner quand on voit l’un, l’autre provoque de vraies hallucinations. L’un a le système nerveux dégradé et est impossible à avaler, l’autre dégrade le système nerveux quand on l’avale. Les deux sont néanmoins toxiques.
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